2015
Quand je m’efforce de dire au plus près la position de Pierre Antoniucci, ce sont les mots de Spinoza qui sonnent le plus juste : la joie, tendue sans cesse vers un accroissement de la puissance d’agir. La marche en avant de l’homme en diagonale, c’est la vie même, en tant qu’elle se heurte aux contraintes du réel.
Les tableaux de Pierre Antoniucci donnent à voir cette pluralité du monde, ils disent l’impossible transparence de l’objet à lui-même, et la dette au travail du passé. Je suis trop ignorant de l’histoire de la peinture pour distinguer tous les petits cailloux qui témoignent de ce dialogue avec les maîtres du passé - un cheval, un oiseau, une barque, ... - mais je devine ou plutôt je ressens à travers la valse des compositions, les recouvrements, les coupures, la rumeur de ce cortège. Regarder un tableau de ses tableaux, c’est déposer les armes, peut être aussi du fait de ce rapport pacifié à l’histoire de la peinture.
extrait de texte de Franck Chaumon
Chaque tableau est une parole coupée
A l’opposé de l’illustration, qui cherche à visualiser un texte existant, quelques expositions font le trajet inverse. Ces peintures suggèrent alors un texte caché. Ce n’est pas pourtant une peinture narrative, ces œuvres en disent autant par leurs singularités matérielles et formelles que par l’exactitude des tracés des figures et la mise en place de leurs espaces. Pierre Antoniucci a fait se côtoyer ici le grand parchemin d’un cheval, une femme qui marche vers son image divisée par un miroir, la toile d’une figure qui passe entre deux portes, un panoramique relayant plusieurs moments abstraits a partir du dessin de théières.
Ces figures sont instables, elles parcourent des espaces de différentes longueurs d’ondes. Elles ont chacune des formats et des techniques différentes. Tenues à des vols parallèles par les liens de contiguïté de l’exposition peut être sont-elles des figures génériques qui se disposent à trouver l’ordre d’entrée dans un texte, construire un récit, se glisser dans un angle du poème .
Le langage est ici ce qui veille sur le tableau, même si au final, les transcriptions procèdent plutôt d’une dé-inscription de ce qui est vu avec ce qui est lu ou dit de même si le tableau déborde naturellement son titre, et si la force du littéraire affaiblit la puissance libertaire du tableau. Il est aussi certain que le tout venant des tableaux « sans titre » n’est plus une condition suffisante pour Pierre Antoniucci
P. Antoniucci